L’Après-Coronavirus

Un tsunami de peur s’est déferlé, de Wuhan, sur la terre entière, sur tous les continents, dans tous les pays, dans toutes les têtes, dans tous les cœurs.

Elle est, cette immense frousse, une tectonique sociale, partout à l’œuvre : elle détricote la mondialisation ; elle confine, dans leurs frontières, les pays, les villes, les villages ; elle assigne les humains, à domicile et en inverse le sens des gestes : par amour, ils gardent, entre eux, la distanciation sociale ; par amour, ils ne s’embrassent plus ; par amour, ils ne se donnent plus la main ; par amour, le téléphone est le seul lien entre jeunes et vieux.

Partout, elle proclame la primauté de l’Etat devant le privé ; elle priorise le social, y subordonne l’économie et met la politique sous le boisseau.  Le pouvoir n’est plus seul en scène : la grande peur confère, partout, l’autorité au couple « savoir et pouvoir » : le savoir des élites de carrière et le pouvoir des élus à mandat conjoncturel. Le savoir portant sur les voies et moyens de survie, le pouvoir aux mains du bon sens social.

Mais, alors que l’agent de la peur, le minus minuscule, invisible, du nom de coronavirus, n’a ni visa ni passeport, ni non plus des yeux pour distinguer le blanc du noir, ni, non plus, le nord du sud, la lutte pour la survie, elle, n’offre pas les mêmes chances de défense à l’homme, selon qu’il est au nord ou qu’il est au sud.

Sans vaccin, sans cure, mais des respirateurs et des mots sur des maux. Bien sûr, le discours est mimétique : là, la résilience, ici, la riposte, ailleurs la lutte acharnée, etc. Derrière les mots, la réalité diffère. Comme d’habitude, blanchir le nord et noircir le sud c’est sucrer l’ananas et pimenter l’acidité : la crise de peur est un immense miroir où se reflètent les dramatiques contrastes.

Au nord, sous le regard d’une police protectrice, appuyée par une armée qui déploie son savoir-faire de protection civile, et, sous l’œil du big brother de l’intelligence artificielle utilisant des big data, dans la surveillance d’ensemble et dans la surveillance ciblée,  l’homme renonce, pour la vie, à la liberté de mouvement et se confine volontiers. De son côté, l’Etat, appuyé par la banque centrale, finance le chômage ainsi imposé et procure à l’homme de quoi s’approvisionner, en vivres, auprès de sa puissante agro-industrie subventionnée. L’Etat réquisitionne les moyens industriels pour produire de quoi équiper et renforcer l’armature hospitalière, face au fléau … Le salut collectif étant au bout de la quarantaine, l’Etat autoritaire n’y est pas allé avec le dos de la cuillère tandis que l’Etat démocratique, empêtré dans des négociations et des manœuvres de persuasion, n’avance que par étapes de quinzaines, avec un taux élevé de pertes en vies humaines.

Au sud, aphone dans l’essentiel, l’autorité flottante, à la recherche d’une police protectrice, comme d’une armée de protection civile, l’État peine à imposer un confinement effectif à la population qui lui doit l’abandon à elle-même, peu de soins et pas mal de maltraitance et qui n’a le choix qu’entre souffrir de covid-19, par l’exercice de la liberté de mouvement ou souffrir de frigovid-19, par consentement de confinement.  En fait de moyens, l’État attend des dons pour prendre en charge des happy few des quartiers huppés, auxquels se restreint son seul social. Dans tout le sud, seule la Banque centrale du Nigeria s’engage à relancer l’économie !

Mais, sous le soleil, tout ce qui naît a une fin programmée : la peur actuelle n’est pas la fin du monde ; elle est la fin d’un monde. Il y a eu un Avant-coronavirus, il y aura un Après-coronavirus et donc un Avant-la-peur et un Après-la-peur.

L’ampleur du traumatisme de la peur ressentie sur la terre entière, sous le commentaire non stop des media, est telle, dans toutes les nations, qu’on a raison de faire conjecture que l’Humanité, dans son ensemble, se dotera d’une Charte Sanitaire Mondiale pour conjurer des contagions dévastatrices. Outre que ladite charte sanitaire fera, de l’OMS, l’embryon du gouvernement mondial, elle lui assignera d’exercer le contrôle sur tous les laboratoires de manipulations biologiques, d’éradiquer des maladies persistantes et de veiller au respect des interdits alimentaires ; elle fera obligation, aux Etats, de garantir, au niveau national ou, conjointement avec d’autres Etats, dans un cadre régional, la sécurité sanitaire à l’ensemble de la population. L’OMS sera le cadre du débat de savoir si nous devons ou pas faire, de la conquête de notre toute-puissance devant tout virus, la condition sine qua non de la poursuite de l’aventure de l’homme dans l’espace. Ce n’est pas abscons ; ce n’est pas discuter du sexe des anges, car nous courons le risque d’accueillir un virus, qui nous soit fatal : livré par une comète ou ramené de Mars ou de Titan ou d’une lointaine exo-planète.

En ce qui concerne l’Après-peur, au nord, on peut faire conjecture de l’éveil des forces de restauration : la gauche et la droite réapparaîtront ; elles s’accorderont autour de l’idée de la souveraineté sanitaire et des nationalisations nécessaires à cet effet, là où la Chine aurait pris le contrôle, à la faveur de l’effondrement boursier ; les socialistes combattront la cupidité capitaliste pour le bonheur de tous ; les libéraux, soutenus par ceux qui ont été réfractaires au confinement, se battront pour renouer les bouts de la mondialisation et défendre, avec becs et ongles dehors, le bien-fondé des théories d’Adam Smith, hors de la souveraineté sanitaire. Le débat s’annonce vif quant à l’encadrement juridique des applications d’usage de big data pour le respect de la vie privée et pour la préservation des libertés publiques.

Par ailleurs, si le cœur en dit, aux libéraux, ils lanceront un « plan Marshall » pour recoloniser le sud, sinon, ils emboucheront tous, à l’unisson, le crédo habituel que « le sud peut attendre ».

Cela étant, dans l’optique de la Charte Sanitaire Mondiale et de ses implications au plan de chaque nation, au sud, il ne sera ni dans l’intérêt de la Communauté internationale, ni non plus dans celui de la population nationale, de voir la démocratie prise en otage et réduite à un jeu  « d’ôte-toi de-là que je m’y mette » entre dynasties des chefs de guerre, sous des masques d’ethnies ou provinces, qui ne sont rien de plus que des vestiges des confinements épidémiologiques décrétés par la colonisation de naguère. Le savoir et le pouvoir seront ton-pied-mon-pied, la main dans la main : le pouvoir des élites de carrière occupant le Sénat et le pouvoir des élus à mandat conjoncturel occupant l’Assemblée nationale. Les sénateurs élus par des élites de carrière et les députés élus par l’ensemble des électeurs. Le pouvoir réparti en six pouvoirs[1] : trois classiques et trois modernes, le savoir contrôlant la démographie, l’état du bien-être social, les qualifications et la productivité, les inégalités sociales, le respect des libertés publiques et de la vie privée, l’éthique professionnelle.

Si, chez nous, les choses se trouvent ainsi posées, alors s’ouvrira le débat de vérité que se jeter à la figure « les institutions d’abord » et « le peuple d’abord » : entre les tenants d’allouer, aux institutions, 6%, sur les 9% de prélèvement fiscal, et les tenants d’allouer les 6% au social et de réserver le reste de 3% aux institutions, c’est tourner en rond, c’est petit tant que le PIB demeure maigre : 65 milliards de dollars contre 72, au Kenya, et 581, au Nigéria !

L’évidence est que le système bancaire, « confiné » jusqu’ici dans le simple rôle de régulation financière, est à « dé-confiner » et à mobiliser, la banque centrale en tête, dans le financement du développement, engageant des entreprises de droit congolais et la main-d’œuvre congolaise, dans la mise en valeur d’abondantes ressources du pays, pour la croissance rapide du PIB et l’élargissement conséquent de l’assiette fiscale : le bien-être et la paix sont introuvables dans tout grand pays, géré en pays pauvre, alors qu’il a des ressources à gogo.

[1] Cfr L’Humain Congolais.


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